Voeux du directeur

"Madame, Monsieur, Chers amis,
Chaque année, ce discours de vœux prenait une forme plus ou moins solennelle. Cette année, j’ai souhaité que ce moment soit plutôt une fête de famille, de la grande famille de l’école. Pour cela, plutôt qu’un discours, je vais vous raconter une histoire. Cette histoire, une histoire vraie, est racontée dans l’édition 2017 du pays de Dinan dont le directeur de la publication est notre ancien élève et ami Loïc Vilbert. L’histoire est racontée par un autre ancien élève, le journaliste Yannick Boulain. Elle se passe pendant la seconde guerre mondiale.
Robert Zunz appartient à la bourgeoisie juive. Aux environs de 1924-1926, il fait l’acquisition du manoir de la Grand’Cour à Tressaint (aujourd’hui foyer de charité). Robert Zunz se lie d’amitié à une grande famille rennaise issue du catholicisme social et notamment à Pierre Artur qui deviendra directeur de l’Ouest Eclair. Louise, l’une des filles de Robert épouse un ingénieur Paul Ostier.
Paul et Louise auront sept enfants dont cinq garçons. Ils ne sont pas baptisés et par la mère ils sont juifs. A la fin de l’été 39, il apparait dangereux de laisser à Janson de Sailly à Paris les deux aînés Jacques et Bernard. Leurs parents font appel au chanoine Meinser supérieur des Cordeliers depuis 1914. Avec ouverture d’esprit et courage, le chanoine donne son approbation. Indépendamment de cela la famille évolue vers le catholicisme grâce à son amitié avec la famille Ostier et les cinq garçons sont baptisés le 06 novembre 1940. Les enfants retournent à l’école à Paris.
Mais le 12 décembre 1941, une rafle touche les familles juives même converties. Le 21 décembre, le chanoine Meinser accueille aux Cordeliers Jacques, Bernard, Etienne comme pensionnaires. Ils ont beau être baptisés, ils restent juifs aux yeux de la loi de l’époque. A partir de juillet 1942, l’école est occupée par la 337ème division de la Wehrmacht ce qui impressionne plus les élèves que le supérieur qui fermement rappelle qu’il est chez lui. Malgré l’ordonnance allemande du 29 mai 1942, les petits Ostier ne porteront jamais l’étoile jaune ni aux Cordeliers, ni à Dinan.
Le chanoine avait écrit dès le 5 juin aux parents « Soyez en paix en ce qui concerne vos enfants, ils sont à l’abri parmi nous. Ne les tracassons pas de soucis inutiles. Il n’est pas vraisemblable qu’il y ait la moindre tracasserie du dehors, et en tout cas, je m’en porterai garant. »
Voilà une petite histoire qui fait la grande histoire, écrite ici aux Cordeliers.