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Campagne de vols paraboliques du 6 au 10 mars 2022

Le lycée les Cordeliers ainsi que deux autres lycées (le lycée Colbert – Tourcoing et le lycée Marguerite de Valois – Angoulême) ont été sélectionnés au plan national en juin pour participer à la campagne de vols paraboliques 2022 organisée par le CNES.

Ce projet a été possible grâce à Mme Fanouillère et Mme Blanchot, qui ont monté le dossier et accompagné les élèves tout le long du projet.

Ces campagnes de vol permettent de réaliser et tester des expériences scientifiques dans des conditions d’apesanteur et ce dans différents domaines tels que la recherche fondamentale et appliquée, la physiologie, la biologie, la neurologie, la physique, l’astrophysique, la recherche et le développement.

Ces vols paraboliques sont effectués dans un avion A310-ZeroG, propriété de Novespace qui décolle depuis l’aéroport de Bordeaux-Mérignac. L’avion complètement aménagé et capitonné devient un laboratoire unique de micropesanteur.

Le vol alterne des manœuvres de montées et de descentes très précises et très chronométrées, appelées parabole. Après une phase d’hyper pesanteur due au « cabrage » de l’avion (angle de + 45°), l’avion est en pleine ascension et suite à une manœuvre des pilotes, l’avion décrit une parabole (injection), il est en chute libre, et on entre dans des conditions de micropesanteur. Cette phase dure 22 secondes, puis à la fin de la parabole, retour dans une phase où de nouveau les passagers ressentent 1,8 fois leur poids. Au total, l’avion effectuera 30 paraboles, espacées par des temps de pause où l’avion retrouve une trajectoire horizontale ce qui permet aux expérimentateurs d’ajuster leur manipulation. Le vol dure environ 3 heures.

La semaine des lycéennes

Lors de cette campagne de vol, en plus des expériences des trois lycées, neuf expériences ont été embarquées.

Au même titre que les scientifiques, les lycéens ont préparé leurs expériences pendant 6 mois environ. Toutes les expériences sont réalisées dans des caissons (rack mécanique ou étanche) imposants des contraintes techniques et de sécurité importantes.

Les huit lycéennes de terminale option DNL ont basé leurs expériences sur la vie dans l’ISS et montré l’effet de l’absence de gravité. Travaillant en binôme, chaque binôme était responsable d’une expérience.

Il y avait trois expériences de physique installées dans le caisson de mécanique :

  • Comment les astronautes se pèsent-ils dans l’ISS (modélisé par la balance inertielle) ?
  • Pourquoi les astronautes gagnent-ils quelques centimètres lors des missions spatiales ? (Déformation du squelette)
  • Inertie et énergie mécanique (balle propulsée verticalement par un ressort)

Et deux expériences de chimie dans le caisson étanche :

  • Air Zero G coffe cup what else (boire son café avec une tasse dans l’ISS)
  • Impesanteur et pesanteur (utilisation d’un hydrophobe – tension superficielle et mouillabilité).

Sur l’ensemble du groupe, seuls deux élèves ont le privilège de monter à bord de l’Airbus Air Zero G pour réaliser les expériences. Aliénor et Jenna sont les chanceuses du groupe, car elles sont les deux seules majeures, une des principales conditions à respecter pour pouvoir effectuer ce type de vol en France.

Jenna et Aliénor ont donc passé deux jours intensifs à Novespace, la veille et le jour du vol.

La veille du vol permet la finalisation de l’installation de l’ensemble des expériences dans les caissons. Tout le matériel et l’essentiel des expériences avaient été mis en place fin janvier lors d’une rencontre à Novespace des responsables du projet des trois lycées.

Derniers réglages, répétitions du protocole pour chaque expérience, les gestes à effectuer et ceci sous le regard très strict de plusieurs commissions de sécurité. Chaque élément d’expérience doit être fixé, car en impesanteur la moindre pièce peut devenir un danger. Les caissons sont embarqués l’après-midi dans l’avion.

Le jour du vol, après un pointage, puis l’administration de scopolamine pour chaque volant (médicament antinaupathique) fortement conseillé et, le dernier et ultime contrôle des expériences, c’est le décollage de l’avion à 9 heures.

Les expériences ont été un succès pour la plupart, notamment celle de la capillarité avec la tasse à café selon le modèle de Don Pettit, astronaute américain qui désirait boire son café sans paille. Le modèle du squelette sera à améliorer.

Concernant la balance inertielle et le lanceur balistique, les expériences ont été filmées pendant toute la durée du vol, les données seront donc analysées et exploitées ultérieurement, en cours, par l’ensemble des élèves.

Jenna et Aliénor se sont parfaitement accommodées aux conditions de vol et ont réussi à réaliser toutes les expériences.

Au cours de la semaine, l’ensemble du groupe a quant à lui chaque jour suivi un programme de visites culturelles et pédagogiques.

Les trois lycées ont passé une après-midi à Novespace durant laquelle ils ont participé à une présentation du centre et de ses activités. Et cela a été aussi l’occasion pour tous les lycéens de monter dans l’Airbus AirZeroG, de rencontrer et d’échanger avec les scientifiques. Ils ont eu la chance d’échanger avec Jean-François Clervoy, spationaute français à l’Agence Spatiale Européenne qui a effectué entre autre trois missions spatiales avec la NASA.

L’ensemble du groupe a pu profiter également des visites suivantes :

  • L’ENSCBP (école nationale supérieure de chimie, biologie et de physique). Les lycéens ont pu visiter les locaux, les laboratoires et échanger avec des professeurs et des étudiants.
  • Le site ArianeGroup Le Haillan avec la présentation de la société pour laquelle 2022 est une année cruciale avec en point de mire le vol inaugural d’Ariane 6. Ils ont pu découvrir la future ligne d’assemblage des tuyères des boosters d’Ariane 6.
  • Le Museum d’histoire naturelle
  • Le site Aerocampus avec la présentation des métiers de l’aéronautique et la participation à des ateliers avec une animatrice spécialisée.

Le groupe a pu aussi découvrir la ville de Bordeaux, sa cité du vin, et ses environs avec la dune de Pyla, plus grand dune de sable d’Europe, longue de 2700 m et haute de 100 m.

Cette campagne de vol aura été intensive et enrichissante pour l’ensemble du groupe, chacune d’elle gardera de très bons souvenirs de cette semaine à Bordeaux.

Un compte-rendu numérique de la campagne de vol est en cours de réalisation avec les lycéennes et M. Bougherara.

Retour sur le vol du Mercredi 9 mars :

Jenna : « La sensation de lourdeur et de ne plus pouvoir bouger son corps pendant la phase 2G avant et après l’apesanteur était très particulière mais m’a étrangement permis de ressentir le passage en 0G d’une manière beaucoup plus intense ! En un instant notre corps cloué au sol devient léger voir on ne le sentait plus. Après le débriefing du vol avec tous les scientifiques présents à bord, nous avons enfin pu mesurer l’immense chance d’avoir pu réaliser une telle expérience aussi magique qu’inoubliable ».

Aliénor : « Pour moi qui prenais l’avion pour la première fois, cette expérience fut incroyable. La sensation d’écrasement en phase 1,8 G est un peu désagréable mais finalement on finit par s’y habituer et à trouver cela plutôt agréable surtout lorsque nous passons d’une pesanteur de 1,8G à 0G, on ressent alors une sensation indescriptible et on se met à flotter, ce qui est vraiment incroyable. Les 22 secondes d’impesanteur sont passées très vite, on aimerait que cette sensation dure beaucoup plus longtemps. Nous avons eu la chance de vivre une expérience unique et extraordinaire ».

Pour Alexia Ayral, laborantine

Cette campagne de vol permet surtout à des scientifiques d’étudier certains phénomènes en s’affranchissant des effets parasites liés à la pesanteur, c’est pourquoi ils ont recours aux vols paraboliques. Neuf expériences auront pris place à bord de l’avion. Durant les trois jours de vols les scientifiques récoltent des données, des résultats qu’ils analyseront ultérieurement. J’ai ainsi pu participer en tant que sujet à l’étude menée par l’équipe de Patrice Senot (Laboratoire Vision Action Cognition, Institut de psychologie, Université Paris Cité). L’objectif de l’étude est de mieux comprendre comment les informations sensorielles nous permettant de ressentir la gravité interviennent dans notre perception visuelle et plus particulière dans notre perception visuelle du corps d’autrui.

L’expérience consistait à observer des paires successives de personnages d’apparence neutre dans certaines postures (jambes en l’air, un bras écarté, la tête en bas…) et je devais décider le plus rapidement possible si la posture des deux corps de chaque paire était identique ou non. Pour cela j’étais équipée d’un casque à réalité virtuelle, et d’une souris d’ordinateur pour valider mes réponses.

Au total, cent-vingt postures seront à analyser dans trois conditions : en gravité normal avant le départ, en condition de microgravité (au moment de la phase 0g de 20 secondes au cours des 30 paraboles) et une dernière série d’analyse après le vol.

Pour les visages, l’effet d’inversion est un effet très étudié en matière de reconnaissances. Un visage sera plus précisément reconnu et plus rapidement lorsque le visage est présenté dans son orientation habituelle plutôt qu’à l’envers (Yin, 1969 ; Leder & Bruce, 2000).

L’équipe de Patrice Senot, souhaite montrer que cet effet d’inversion est présent aussi dans la perception des postures.

Lors de l’expérience, l’analyse des postures devait être instinctives. Durant les phases de microgravité en plus de ma perception visuelle des images, j’avais la perception de mon propre corps entrain de flotter bien que toujours partiellement attaché au fauteuil. Ces nouvelles sensations en apesanteur, me donnaient systématiquement l’impression d’avoir la tête en bas.

Au cours de cette campagne, six sujets ont participé à la même étude dans les mêmes conditions. L’équipe est donc repartie avec de nombreuses données qui vont être analysées et complétées certainement avec d’autres sujets sur une prochaine campagne de vol pour avoir un échantillonnage plus représentatif.

Retour sur le vol du jeudi 10 Mars :

Alexia Ayral : « Jeudi 10 mars, vêtue de ma belle combinaison bleue comme tous les « volants » du jour, je me sens l’âme d’un Super Héros qui part en mission. Avec un mélange d’excitation et d’appréhension, je suis les directives, contrôle de pièce d’identité, pointage, attente de la confirmation de vol avant l’administration de la scopolamine (1er vol, dose standard), les mots rassurants du médecin, les encouragements de l’agent de sécurité, la petite consigne d’Angélique Gaudel qui nous a accompagné tout le long de cette campagne, les dernières instructions avec mon équipe et Tristan sujet comme moi. Je passe mon badge, le dernier portillon ultra sécurisé et je parcours les quelques mètres qui me séparent de l’avion un peu stressée mais aussi impatiente. Je relirais encore une dernière fois la citation d’Albert Einstein* sur la porte de l’avion avant de pénétrer à l’intérieur.

Dans l’avion, ça fourmille, ça s’affaire, je retrouve Ronan et Samuel du lycée Colbert. Samuel qui fête tout juste ses 18 ans aujourd’hui, quel cadeau d’anniversaire !

Quelques mots échangés, les sourires que l’on devine malgré le masque, les regards bienveillants de Patrice Senot, je suis prête pour ma mission exceptionnelle.

Une petite heure de vol en direction de la Méditerranée, dû à quelques perturbations climatiques, destination différente des deux vols précédents qui avaient effectué leurs paraboles entre la pointe bretonne et La Rochelle.

La première parabole est lancée, le décompte : « One minute, thirty, twenty, ten, 5.3.2.1  Pull Up » on entre en phase d’hyper gravité.  La consigne est surtout de ne pas bouger pendant cette phase, fixer un point, car notre cerveau, notre oreille interne ne connaissent pas ces conditions et c’est durant cette phase que le mal du transport peut apparaître. J’ai ce petit pictogramme (danger gaz) que je fixe juste devant moi, je ne pousserais pas plus loin ma réflexion de « cette dangerosité » au sein de l’avion… Je sens tout le poids de mon corps, je me tasse sur mon siège, je m’écrase. Un nouveau décompte « thirty, forty (angle de cabrage de l’avion) Injection » on entre en apesanteur.  Malgré la sangle de mon fauteuil je sens mon corps se soulever, mes bras, mes jambes tout devient léger, je sens mon visage s’illuminer, rayonner. « 20, 30 Pull up », je m’écrase de nouveau. « Steady Flight one minute », l’avion revient à sa trajectoire horizontale, j’ose tourner la tête vers mes compagnons de vol, les sourire se lisent dans les yeux. Ces premières sensations sont indescriptibles, en intensité, en émotion, j’en reste sans voix.

Après deux paraboles, je commence mon expérience avec le casque virtuel, les paraboles s’enchaînent, je reste concentrée pour accomplir ma mission au mieux sous le regard attentif et rassurant de mes expérimentateurs. Au fur et à mesure des paraboles, je relâche la sangle du fauteuil, je perds mes repères mais malgré tout, cette impression de me sentir de plus en plus à l’aise.

Après avoir fait mes 120 essais, il me restera cinq paraboles où j’ai pu me déplacer dans l’avion, observer l’équipage, aller dans la zone de free-floating pour m’essayer au salto arrière sans en maîtriser la réception !!! Heureusement il y a de bons matelas, je suis entre le rire et la stupéfaction…

Pratiquant le trail longue distance, j’ai parfois poussé mon corps dans ses limites extrêmes, au point de dissocier mon esprit et mon corps pour atteindre mon objectif.

En apesanteur, mon corps si léger, soumis à aucune force et pourtant il devient plus que jamais indissociable de mon esprit. Le contraste des sensations ressenties entre les deux phases, et les émotions vécues ont profondément marqué mon esprit.

C’était juste incroyable.

A la descente de l’avion, de voir les sourires radieux de tous les Super Héros, j’en ai les larmes aux yeux et je mesure encore plus la chance d’avoir pu participer à cette mission exceptionnelle. Un moment de félicité…

* Albert Einsten :

At that point there came to me the happiest thought of my life. In the following form: just as in the case where an electric fields is produced by electromagnetic induction, the gravitational field similarly has only a relative existence.

Thus for an observer in free fall from the roof of a hause there exists during his fall, no gravitational field.